vendredi 8 juillet 2011

Tempêtes émotionelles

Pendant longtemps, j'ai du me couper des sensations de mon corps pour arriver à garder la tête hors de l'eau. Je peux honnêtement dire que les coups, les gestes, enfant, je ne les sentais pas, et que je me sentais forte d'être ailleurs, de ne pas être affectée, de faire ma vie malgré cela comme si rien ne se passait.

Qu'il est dont difficile d'admettre qu'il y a eu des impacts, que mes mécanismes de défenses, adaptés et utiles autrefois, m'ont déchirée et me privent encore de la partie de moi même qui pourrait souffrir mais aussi de celle qui ressent.

Je suis profondément immunisée contre la dépression et contre la douleur, mais les émotions sont toutes faites de la même matière. Je me fatigue à essayer de ressentir les bonnes, à faire le tri. Ma vie est une activité profondément cérébrale, alors que j'aspire à être, simplement. Pour moi, c'est un effort, ça ne va pas de soi.

C'est pourquoi l'idée de ressentir mes sensations alimentaires est un apprentissage si long et difficile. Écouter ce que mon corps a à dire n'est pas instinctif. Si j'écris, c'est justement pour tenter que tout soit clair dans ma tête pour pouvoir me concentrer sur mon ressenti. Plus souvent qu'autrement, je ne ressens pas, ou alors je rejette ce que je ressens. Prendre le manque, accepter la colère, la peine, mais aussi le plaisir sous toutes ses formes, ce n'est pas évident. Et ce n'est pas facile de le reconnaitre.

On ne peut malheureusement pas n'écouter que ses sensations alimentaires sans entendre le reste. C'est un tout, un apprentissage à Être et à Ressentir globalement.

Il y a eu des périodes ou j'y suis arrivée, et il y a des périodes ou je n'ai pas su prendre les douleurs de la vie et où je me suis coupée de mon ressenti pour ne pas sombrer, pour pouvoir continuer à avoir cette impression de contrôle.

Quand grand papa nous a quitté en janvier 2010 et que je m'occupais de ma grand-mère en dépression chez elle, de mon frère en crise de schizophrénie à l'hopital, des funérailles, de la famille, des chicanes qui ont écloses mais aussi de mon bébé qui s'en venait, il n'y avait simplement pas de place pour mes émotions à moi. Trop de gens avaient besoin. Puis Maëlie est arrivée parmi nous en mai 2010, malade. C'est à travers ses maux que j'ai passé l'année suivante, avec de nombreuses restrictions alimentaires pour arriver à l'allaiter sans la rendre encore plus mal, ce qui a mis la table aux compulsions et à la reprise du poids que j'avais perdu avant.

J'ai peur d'émerger. Je sais que j'ai beaucoup pris sur moi et ce, depuis bien plus longtemps encore. Je n'ai pas peur de me noyer, je me sais capable de forcer le bonheur, capable de résilience, mais j'ai peur de ne pas arriver à fire sortir la tristesse et la colère enfouie, peur d'en être esclave.

Mes larmes sont timides et souvent, elles restent cachées dans ma gorge et refusent de sortir de mon corps. Elles me possèdent... Et quand je pleure, c'est toujours sans bruit, une vieille habitude.

Quand je dois noter dans mon carnet d'EME tout ce que je ressens, je m'étonne de toute cette vie en moi sous des eaux calmes. Ça grandis et ça ne sort jamais. C'est moi qui enfle.

Par cette démarche, je réclame mon corps mais aussi ma liberté d'être et de vivre. Manger dans le plaisir, en réponse aux demandes de mon corps, c'est m'accorder le droit d'exister dans une sphère si vitale ou je me suis tant reniée.

Le comprends tu, mon corps, que tu as maintenant le droit d'exister sans armure, sans cachette, sans peur?! Ma tête comprends, mon coeur tremble, mon corps hésite. Si les trois ne pouvais faire qu'un, on pourrait sans doute passer au travers. Comment fait-on pour recoller les morceaux? Rien ne manque, mais rien ne communique.

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